6ème conte d'Eawy
Giorgia
Cette histoire a commencé il y a fort longtemps. A cette époque, les mages, les fées et les sorcières existaient encore. Et oui, ces gens-là ont existé. N’en parlez à personne, on risquerait de se moquer de vous. Cependant, il y a de fortes présomptions à ce qu’ils existent toujours mais se cachent de la haine des humains qui se pensent normaux.
Donc, en ce temps-là, le mage Barnabé régnait par la terreur sur les territoires de Rosay et de Bellencombre. Il aimait à faire son malin tous les dimanches matin, en s’installant devant la chapelle Saint Étienne. Tout près de là, il y avait de petites mares. Leurs eaux avaient le pouvoir de guérir des fièvres. Barnabé distribuait l’eau généreusement, avec force d’incantations, il battait l’air par de grands gestes. Dans sa robe noire, il ressemblait à un sinistre corbeau. En échange de toutes ses simagrées, les gens devaient s'acquitter d’une poignée de pièces d’or. Barnabé était un homme intéressé mais pas intéressant. Quand il palpait les pièces d’or, ses yeux pétillaient et ses moustaches s’agitaient de façons frénétiques. D’ailleurs, l’agitation de ses fines moustaches trahissait chez lui une forte émotion. Quand une jolie femme passait près de lui, nous pouvions retrouver automatiquement ce même tic. Est-il besoin de préciser que le mage Barnabé se servait de son influence, et de la réputation des mages, pour séduire les femmes, avec un résultat très relatif et approximatif malgré tout. Quand il réussissait à conquérir une femme, c'était par la peur et la crainte qu'il inspirait à la pauvre créature.
Quand à l’eau des mares de la chapelle Saint Étienne, à l’époque, elle était à peu près potable. Actuellement, si vous avez la fièvre, il vaut mieux appeler un médecin, prendre une aspirine. L’eau est verdâtre, saumâtre, les moustiques y voltigent en surface : un vrai nid à microbe. Quoi que si vous buvez de cette eau, vous êtes presque assuré de ne plus jamais avoir de fièvre… plus jamais.
A l’époque du mage Barnabé, l’eau n’avait pas forcément des pouvoirs, cependant, il était si persuasif que les malades rentraient chez eux en se croyant guéris.
Barnabé avait des goûts douteux. Quand les gens normaux ont un chien ou un chat pour leur tenir compagnie, lui avait un cochon gros, gras, hirsute. Barnabé lui avait jeté un sort pour qu’il obéisse comme un chien. Et cela marchait… Ce cochon ne répondait qu'à la voix de son maître. Quand il hurlait « Brutus », le cochon rappliquait, dégoulinant de bave, les poils en sueur. Pour qui voyait le spectacle, ce n'était guère ragoûtant.
Barnabé était conseillé, secondé par la fée Maléfic. En fait Maléfic se servait de lui pour acquérir du pouvoir. Tout le monde imagine toujours les fées graciles, souples, jolies, douces, avec de petites ailes, volant rapidement d’un endroit à un autre. Pour la fée Maléfic, ce n’était pas le cas. Côté gracieux, c’était raté. Elle était en surpoids évident. Il y avait longtemps qu’elle n’avait plus décollé du sol. Elle marchait lourdement. D’ailleurs, ses ailes s’étaient flétries. Si son sourire était impeccable, il n’en demeure pas moins qu’il était carnassier. Elle aussi manipulait son monde afin de satisfaire son égo. Elle avait soif de puissance, de pouvoir.
A ce propos, depuis quelques mois, elle essayait de rallier à sa cause les mages et les sorcières des communes du canton de Bellencombre. Seuls les mages noirs entraient dans son jeu, ainsi que les sorcières les plus méchantes, bêtes et stupides. Et Dieu sait qu'il y en avait à cette époque là.
Giorgia, elle, était une femme on ne peut plus normale, équilibrée, libre de ses choix. Elle laissait agir son cœur. Elle était la créatrice d’un endroit où tout un chacun pouvait trouver aide et soutien. Quand une personne avait besoin d'aide, Giorgia se démenait pour l'aider. Elle parlait toujours avec douceur, affichant un sourire rassurant. Elle proposait toujours une boisson chaude, afin de d'offrir un instant chaleureux, réconfortant,convivial.
Depuis que Giorgia s'était installée aux abords de Rosay, à la lisière de la forêt, elle avait fait beaucoup de bien autour d'elle. Elle avait réussi à rallier un gentilhomme à la cause des enfants. Côme leur apportait des activités nouvelles et en plus il épaulait les familles les plus démunies. Tous ces éléments mis bout à bout mirent Barnabé en furie. Il voulut déclencher une dispute, devant l'église de Rosay mais Giorgia restait calme. Au moment où elle voulut brandir la médaille de Saint Benoît, le saint de l'église, celui qui combat les forces du mal, la fée Maléfic lança un sort par derrière, à l'encontre de Giorgia. Selon son habitude, cette perverse avait agit en traître.
Quand Maléfic éructait, c'était de la méchanceté et quand elle flatulait, c'était de la ruse. Elle transpirait la haine. Maléfic avait transformé Giorgia en Lamantin, en femme poisson. Le mage Barnabé la transporta dans une des mares de la chapelle Saint Étienne. Malefic jeta un sort à la forêt. Les arbres et les fougères se mirent à proliférer tels une jungle afin de cacher l'endroit où nageait désormais Giorgia. La disparition de Giorgia avait troublé la population Elle avait été si bonne avec tous, le choc était immense.
L'aide du mage Barnabé fut demandée. Évidement il éludait le problème, parlait d'une fugue probable de la grande dame. Côme sortait de ses gongs. Maléfic le calma en le transformant en bébé loup. Elle le chassa à coups de pied dans la forêt. Côme essayait de se frayer un chemin dans la forêt d'Eawy. Mais les lieux étaient méconnaissables. Comment allait-il retrouver Giorgia ? Allait-elle paniquer à son apparence de loup? Les interrogations submergeaient Côme autant que l'inquiétude. Sa poitrine se serrait, sa respiration était haletante. Retrouver Giorgia était une véritable gageure dans cette végétation folle.
Au même moment, un vent de révolte souffla sur le canton de Bellencombre. Le mage Barnabé et la fée Maléfique avaient été capturés. Maléfic se défendait en distribuant les sorts. L'un fut transformé en cochon, l'autre en autruche, le maître d'école arborait des oreilles d'âne…
Maléfic fut ligotée au plus vite, ainsi elle ne pouvait plus faire aucun mal. Le mage Barnabé avait le regard vide. Sans Maléfic, il montrait ce qu'il était : un imbécile, couard, complètement abruti.
Durant ce temps, bébé loup Côme usait ses pattes sur les sentiers envahis par la végétation de la forêt d'Eawy. Il avait vraiment très soif et comme il arrivait aux abord de la chapelle saint Étienne, ce fut tout naturellement qu'il s'y désaltéra. C'est à ce moment qu'il vit une masse sombre dans l'eau, deux grands yeux l'observaient. Côme jappa de terreur. Giorgia fit claquer sa queue de lamantin. Ce geste le ramena à la raison. Elle avait reconnu le regard de Côme, tout comme Côme venait de reconnaître le regard de Giorgia.
Au village, les événements se précipitaient. Les villageois allaient décider du sort de Maléfic. Et comme elle ne faisait plus peur à personne, il n'y eu aucune retenue dans le jugement. Sa mise à mort fut entérinée. Un bûcher fut installé entre Bellencombre et Rosay. Elle fut saisie et attachée. Le bûcher fut allumé.
Dès l'instant où elle expira, tous les mauvais sorts qu'elle avait jeté durant sa vie furent annulés. L'instituteur retrouva ses oreilles à son plus grand soulagement La forêt se dépouilla de toutes ses mauvaises herbes et son trop plein de végétation. La chapelle Saint Étienne put enfin réapparaître au soleil. Quand à Giorgia et Côme, ils retrouvèrent enfin leurs véritables apparences. Ils redescendirent ensemble vers Rosay. L'odeur de chair brûlée de Maléfic agaçait les narines.
La foule était en liesse à l'arrivée de Giorgia. William, le second de Giorgia lui résuma les derniers événements. Barnabé fut contrait à présenter des excuses publiques à Giorgia. Il fut ensuite bannit de la forêt d'Eawy et de ses alentours, lui et son ignoble cochon Brutus.
Par la suite, Brutus fut capturé par un artisan brossier. Il profita d'un sommeil aviné de Barnabé pour lui voler son cochon poilu. Mais me direz-vous que faire d’une bestiole aussi bête et méchante, pourquoi le dérober ? Le brossier lui retira ses soies (nom des poils du cochon), et en fit des brosses à cheveux pour les femmes riches. Une fois son travail terminé, le brossier le ramena auprès de Barnabé qui continuait de cuver. A son réveil, il ne reconnut pas Brutus. Pensant qu'on lui avait échangé son cochon contre ce tas de gras rosâtre, il se mit à le battre à mort.
Ainsi, Barnabé finit sa vie seul, reclus à mille lieux de Rosay et de Bellencombre. Il ruminait sa rancœur et sa rage.
La population avait retrouvé une vraie joie de vivre, la sérénité. Quand à Maléfic, ce fut à cause d'elle s'il y eut une chasse aux sorcières en France, afin de les faire disparaître du pays.
Giorgia continua a faire le bonheur de la population et continua à aider Côme à offrir des jeux instructifs et divertissants aux enfants des communes de Rosay et Bellencombre.
Vous les enfants et vous, ceux qui avez gardé votre âme d'enfant, n'oubliez jamais que faire ce qui est bien, est plus gratifiant dans une vie que d'être méchant. On se souvient toujours des personnes gentilles, les méchants, on les oublie très vite. Le véritable amour, le plus beau, est celui qui est désintéressé, à l’image de celui que Giorgia offrit aux gens. Si vous aussi, vous voulez qu’on vous aime autant que Giorgia a été aimée durant sa vie, faites le bien autour de vous, aidez les autres, pas seulement les gens de votre famille. Ainsi, peu importe la longueur des jours de votre vie, on ne vous oubliera pas non plus.